Lors de notre voyage au Myanmar, nous n’avons cessé d’être surpris. A notre arrivée à Myeik, nous avons appris avec étonnement que cette ville était la porte d’entrée à l’archipel tant secret des Mergui. Notre curiosité étant à son comble, c’est ainsi que nous sommes partis à la découverte de ce chapelet d’îles hors du commun et du peuple qui l’occupe : Les Moken.
Myeik, une ville littorale
Lors de nos voyages, nous avons pour habitude d’emprunter les transports locaux. C’est donc au bout de 7h de trajet dans un bus poussiéreux et sale que nous sommes arrivés à la gare routière de Myeik. Nous avons repéré un hôtel à 10min à pied de la gare. Le réceptionniste nous a annoncé que le centre est à 15/20 min. En soit, cela est peu de temps mais Seb souffrant du dos depuis plusieurs jours, nous avons décidé de nous rapprocher pour lui permettre de visiter la ville plus facilement.
Où dormir à Myeik ? Que voir à Myeik ?
Suite à de nombreuses journées précédentes dans les transports, on s’est fait plaisir sur le logement ! L’hôtel Grand Jade ne nous a pas déçu : chambre grand luxe, literie confortable, tv, bouilloire (topissime pour l’accroc du café que je suis !), rooftop (où le buffet pour le p’tit dej est servi chaque matin) avec vue sur Myeik et la mer Andaman, supermarché au rez-de-chaussée, bureau d’excursions, le tout en plein centre à 2 pas de la mer…Bref Seb va pouvoir se reposer et bien récupérer durant nos trois jours sur place. On le recommande à 100% ! Tout était parfait !
Adresse︱Hôtel Grand Jade, No 28-30, Baho St , MyintNge Qtr,, Mergui, Mergui, Myanmar (Birmanie), 14579
Ici, nous n’avons pas croisé de touristes. Myeik est une ville littorale que l’on a trouvé peu attrayante. Le port nous a complètement désolés ! Les berges étaient remplies de déchets, le ressac de la mer était noir/marron…quelle tristesse ! Alors que des poubelles se tenaient là n’attendant qu’à être remplies. D’ailleurs, c’est le seul endroit où nous en avons vu dans le pays.
Par contre, j’ai adoré le Sate Nge market. Un marché comme je les aime, typique. Des stands par-ci par-là de tout et de rien, des odeurs pas toujours agréables, des allées étroites, de la vie. J’ai d’ailleurs été l’attraction, étant la seule étrangère ici, Seb étant resté à l’hôtel ce jour là. Je me suis arrêtée à un stand où une femme vendait du Tanaka, le produit de beauté birman. Une poudre jaune issue de l’arbre Tanaka qui, au contact de l’eau produit une sorte de pâte jaunâtre. Les Birmans l’utilisent pour se protéger du soleil bien que le Tanaka ait beaucoup d’autres vertus. On a échangé en langage des signes, c’était plutôt fantasque ! Des moments simples mais authentiques.
Myeik, point de départ pour rencontrer les Moken
A la base, Myeik était juste un point de chute de trois jours avant de rejoindre Kawthaung au sud du pays. C’est donc par pur hasard que nous allons apprendre qu’il est possible de faire des excursions dans l’archipel des Mergui, plus particulièrement rencontrer le peuple Moken. Cet archipel longtemps interdit aux touristes, a ouvert ses portes au compte-gouttes en 1997. Et encore, il faut des autorisations spécifiques pour y voyager. Quelques compagnies sont autorisées à faire des croisières de plusieurs jours à un prix très élevé. C’est seulement depuis 2015, que les voyagistes sont autorisés à proposer des excursions à la journée. Nous avons d’ailleurs écrit un article pour savoir comment visiter l’archipel des Mergui qui pourra vous être très utile.
J’ai choisi Life Seeing Tours dont les bureaux sont situés à l’hôtel Grand Jade mais il existe aussi une succursale à Dawei. La sortie intitulée « Two Face Island Trip » en 2017 (aujourd’hui elle est intitulée « Dome and Smart Island ») était la seule à proposer de rencontrer les Moken. Coût : 80$ la journée. Je l’ai fait seule car Seb était encore patraque.
Les Moken, les nomades de la mer
Laissez-nous tout d’abord, vous conter la légende liée à ce peuple…Il y a fort longtemps, un homme nommé Gaman, un héros civilisateur malais, était marié à la reine Sibian. Mais celui-ci s’éprit de sa belle-soeur appelée Kèn. Sibian devint folle de rage. Elle les condamna alors à deux sentences : la première fut celle d’errer sur les flots uniquement sur des kabang (bateau traditionnel Moken échancré à la proue et à la poupe), la deuxième fut l’interdiction de s’installer sur la terre ferme symbolisée par l’ « immersion de Kèn ». L’immersion est traduit lemo auquel se rajoutera Kèn, donnant ainsi le nom de lemo-ken, devenu plus tard Moken.
Qui sont-ils ?
Les Moken sont un peuple, les nomades de la mer, appelés aussi les Sea Gypsies en language plus familier. Ils ont une culture et un langage qui leur sont propres. Durant des milliers d’années, ils ont sillonné la mer Andaman de l’archipel des Mergui. Ils en connaissent les moindres recoins. Ils ont appris à vivre en harmonie avec la nature et se sont parfaitement adaptés à leur environnement. La mer est leur bienfaitrice, ils vivent en symbiose avec elle. De ce fait, les Moken ont su développer une acuité visuelle sous-marine hors du commun.
Les enfants, dès leur plus jeune âge, sont au contact de la mer. Ils ne vont pas à l’école mais leurs parents leur offrent l’école de la vie, cela n’est-il pas mieux ? La transmission des savoirs est orale, visuelle, manuelle… Ils vivent pauvrement préférant le troc à l’argent. Ils savent écouter la nature, la comprendre, l’apprécier. Les Moken ont su s’adapter à cette vie faite de simplicité mais rude que l’archipel leur impose. Leur vie est rythmée par deux saisons : la saison sèche où ils voguent entre le Myanmar et la Thaïlande et la saison des pluies, où ils jettent l’ancre sur des îles. Une vraie vie de nomade qui tend malheureusement à disparaître…
Les Moken aujourd’hui
Ce peuple autrefois nomade, a tendance à se sédentariser de plus en plus sur des îles de l’archipel. Ils vivent désormais dans des villages de pêcheurs. Le développement du tourisme dans cette zone méconnue pourrait mettre à mal leur culture. Les Moken pêchent au harpon et à la lance tandis que de gros chalutiers remontent des poissons en quantité astronomique abîmant les fonds sous-marins lors de leur passage. Des hôtels luxueux sont sortis de terre, des bases militaires ont envahi certaines îles…La destruction des Mergui commencerait-elle déjà ?
BON A SAVOIR︱Un musée appelé le MAM (Moken Alive Museum) est en cours de création et devrait voir ses portes ouvrir en 2025 si la situation au Myanmar le permet. Ce musée permettra de faire connaître ce peuple mais surtout de préserver sa culture.
La culture Moken, mémoire d’une région, est unique. Ses mythes façonnent l’esprit de l’archipel. Créer ce musée, c’est préserver la diversité culturelle, et permettre à ce peuple à nul autre semblable, de continuer à vivre
Source : Moken Alive Museum
Une journée dans l’archipel des Mergui
Le rendez-vous a été donné devant l’hôtel Grand Jade à 7h30 ce 22 avril 2017. Le groupe était composé de 10 personnes : une famille birmane, un groupe d’amis habitant Yangon, et moi-même. Nous étions 13 avec l’équipage. Nous sommes partis à 8h du port de Myeik à bord d’un speed boat et j’étais loin de m’imaginer l’émerveillement que j’allais vivre.
✴ Découverte d’une cascade d’eau douce
Après une bonne heure de navigation, le bateau s’est dirigé vers une île où une cascade se jette dans la mer. Ses flots se frayent un chemin entre les rochers et la végétation luxuriante de l’île pour rejoindre la mer Andaman. Nous sommes invités à débarquer et à nous baigner dans les bassins créés dans la roche. Notre guide nous rappelle de respecter le lieu (même si cela coule de source, il est toujours bon de le dire) car cette cascade est aussi un point d’eau de ravitaillement pour les pêcheurs. Je ne me baigne pas, je profite de cette escale pour faire quelques photos. Nous sommes restés au moins une demi-heure sur ce site puis nous avons regagné le bateau pour voguer vers d’autres lieux.
✴ La rencontre avec les Moken
La navigation a repris. J’ai continué de découvrir, non sans émotion, cet archipel qui m’a subjuguée. Les forêts de mangroves côtoient les forêts primaires. Des îles vierges s’opposent aux îles habitées. Les chalutiers contrastent avec les petits bateaux de pêcheurs. Et puis, la vie qui passe tranquillement dans cet archipel méconnu. Cette famille aperçue au loin sur un bateau m’a beaucoup touchée, je ne saurai l’expliquer. Ce mari, cheerot (cigare birman) à la bouche et rames à la main, transportait paisiblement sa famille. Un instant volé dont la qualité photographique n’est pas top mais j’aime tellement leurs expressions et l’ambiance que dégage ce cliché…alors je vous le pose là…comme ça…
Et puis, nous avons pris la direction d’une île où les maisons se sont dessinées peu à peu…puis nous sommes arrivés à une plage où nombre de bateaux étaient amarrés. Le guide nous a alors expliqué que c’était un village de pêcheurs où certains Moken avaient élu domicile.
∼ Un moment hors du temps
C’est sur cette plage que nous avons mangé le midi. Le guide nous a informé que nous avions « quartier libre » le temps de la préparation du repas. Je me suis donc baladée sur la plage avec cette sensation d’être une aventurière. J’étais là, seule, sur une île perdue au milieu de l’archipel des Mergui en compagnie de Birmans et de Moken. C’était indescriptible ! J’aurais aimé que Loulou soit avec moi à ce moment là. Les chalutiers m’ont fascinées avec leur couleur, leurs multiples drapeaux flottant au vent, leurs ampoules. Mais c’est ce petit bateau en bois, qui n’attendait que des enfants pour jouer dedans, qui m’a le plus impressionnée. Une construction de la main de l’homme qui a dû demander tant d’efforts…
Je me suis ensuite approchée d’un ensemble de maisons sur pilotis situées à l’extrémité de la plage. Des maisons dont les murs étaient faits de tressages de feuilles de palmiers et de bâches couvrant les trous…Leur pauvreté m’a serré le coeur…Malgré tout, des enfants jouaient, s’amusaient puis ils se sont prêtés au jeu des portraits, intrigués par l’appareil photo. J’ai observé que les femmes quant à elles, s’effaçaient dans leurs demeures. Alors j’ai posé mon appareil, sourit aux enfants, échangé quelques gestes de saluts avec eux et j’ai rejoint le groupe à l’autre bout de l’île.
Il est de ces moments où il faut respecter les personnes et leur environnement, ce ne sont pas des bêtes de foires…D’ailleurs, j’ai profité du repas avec le groupe de jeune birmans super sympas et de cet instant, ici, sur cette île, sans reprendre une seule photo. Seule ma mémoire fait dorénavant vivre ses souvenirs uniques…
✴ Two face island
La dernière étape de cette journée a été la partie détente où une île nous attendait pour dévoiler ses fonds-marins. Two face porte bien son nom car elle possède deux immenses plages de sable blanc séparées seulement par un sentier entouré de végétation. Quelle merveille ! Nous sommes restés 2h sur cette île paradisiaque. La température extérieure était accablante alors une baignade dans ces eaux cristallines fut un réel plaisir. D’autant plus que les eaux de la mer Andaman sont chaudes. Niveau snorkeling, c’était chouette, quelques jolis poissons, beaucoup d’oursins. Mais j’ai vraiment adoré me promener le long des plages, aller de l’une à l’autre et n’avoir que pour seule vue, la mer et des îles émergeant ça et là. 2h passent vite et je serais bien restée encore un peu…mais l’heure est venue de rejoindre la civilisation située à 2H30 de speed boat.
En voyage, il y a des instants qui restent suspendus dans le temps…Une chose est sûre, je n’oublierai jamais cette journée hors des sentiers battus, ces moments, ces rencontres, cet archipel…ni les paroles du guide montrant des îles vierges où des complexes hôteliers devraient être construits…et la désolation de son regard…enfin, cette chance d’avoir rencontré les Moken même furtivement…
➳ Aimeriez-vous découvrir ce genre de lieux, de personnes ? Si vous aimez explorer des îles, n’hésitez pas aussi à consulter notre article sur les îles Perhentians en Malaisie ou encore notre itinéraire de 6 jours sur l’île de Pâques.